XIXe colloque – 2026

4 au 6 mai 2026 École Nationale d’Administration Pénitentiaire à Agen (France)

Thème du colloque:

FAIRE LIEN, FAIRE SENS : DES SAVOIRS PARTAGÉS POUR UNE CRIMINOLOGIE APPLIQUÉE

Faire lien, faire sens : ces deux dimensions forment la colonne vertébrale du XIXe colloque de l’AICLF, dans un contexte où les formes de transgressions à la norme, les modes de régulation sociale et les attentes sociétales en matière de sécurité et de justice connaissent de profondes mutations. La montée en puissance de la criminologie appliquée, entendue comme un champ de connaissances transposables dans la pratique d’intervention, interroge autant qu’elle stimule les relations entre recherche, pratiques professionnelles et décision publique. Faire lien, c’est interroger les ponts possibles entre ces différentes sphères. Faire sens, c’est penser la manière dont ces savoirs, une fois traduits, mobilisés, discutés, peuvent nourrir une compréhension partagée des phénomènes criminels, des réponses sociales qui leur sont apportées et des logiques institutionnelles à l’oeuvre. En croisant le regard de chercheurs et de professionnels de terrain, ce colloque propose d’explorer les modalités concrètes de circulation de la recherche en criminologie vers les professionnels, les institutions et les acteurs politiques, mais aussi les résistances, détournements ou reconfigurations que ces transferts peuvent susciter en retour. Plus largement, ce colloque interroge la manière dont des savoirs partagés – scientifiques, professionnels, expérientiels – participent à la co-construction d’une criminologie contemporaine appliquée,
mais aussi engagée et en mouvement.

Trois axes structurent cette réflexion.

Axe 1 – La criminologie appliquée : quand les connaissances scientifiques rencontrent les terrains de pratique (et inversement)
L’articulation entre les théories criminologiques et les pratiques professionnelles constitue un enjeu central dans le champ de la justice pénale. Les réflexions issues de la production académique – qu’elles concernent les trajectoires délinquantes, les logiques de passage à l’acte, la récidive, la désistance ou encore sur l’action de juger et, plus largement, le sens de la peine – permettent d’appréhender la complexité des situations rencontrées sur le terrain. Toutefois, la mise en oeuvre concrète de ces savoirs dans l’intervention professionnelle reste souvent partielle, différenciée, voire contestée. Les professionnels impliqués dans l’accompagnement des personnes judiciarisées ou marginalisées, qu’ils interviennent dans des institutions de prises en charge des publics ou dans la société, doivent composer avec des impératifs institutionnels, des contraintes opérationnelles et des marges de manoeuvre variables. Cet axe invite à repenser les modalités de partage entre recherche et action, dans une perspective de dialogue et d’enrichissement mutuel, à travers les questionnements suivants :

  • Comment les professionnels s’approprient-ils les concepts et outils issus de la criminologie ? Et s’ils ne le font pas, comment l’expliquer ?
  • Comment les chercheurs interagissent-ils avec leurs terrains de recherche ?
  • Dans quelles mesures les savoirs théoriques influencent-ils – ou non – la formation et les pratiques professionnelles et en retour, comment ces pratiques peuvent-elles nourrir les savoirs criminologiques ?
  • Comment créer des passerelles et des échanges féconds entre le monde scientifique et le monde professionnel ?

Axe 2 – La criminologie appliquée et les politiques publiques : renforcer les liens entre savoir et action

La criminologie appliquée est susceptible de jouer un rôle accru dans l’élaboration, la mise en oeuvre et l’évaluation des politiques publiques en matière de sécurité, de justice pénale et de prévention. En mobilisant des méthodes rigoureuses et des données empiriques, elle peut contribuer à une compréhension fine des
dynamiques de la criminalité, de la récidive ou des effets des dispositifs institutionnels. Si l’intérêt porté aux démarches fondées sur les données probantes tend à s’affirmer dans le champ des politiques publiques, la mobilisation effective des savoirs criminologiques demeure encore partielle et souvent contingente. Cette
situation interroge les modalités d’articulation entre production scientifique et décision politique, dans un contexte où les temporalités, les logiques d’action et les registres de légitimation peuvent diverger.

  • Comment penser un cadre d’interaction qui permette la reconnaissance mutuelle des savoirs et des pratiques, tout en assurant la pertinence, la transférabilité et l’utilisation des résultats de la recherche ? Cela suppose notamment de rendre plus explicite la question des types de partenariats institutionnels à nouer — entre professionnels de terrain, décideurs publics, chercheurs académiques
    ou autres acteurs — pour renforcer l’intégration des savoirs.
  • Quelle posture adopter face à l’utilisation des connaissances produites et leur potentielle récupération ?
  • Comment penser, construire et déployer des dispositifs d’évaluation des politiques publiques et pénales ?

Axe 3 – Au-delà de la criminologie appliquée : reconnaitre la pluralité des savoirs criminologiques et leurs apports

Si la criminologie appliquée joue un rôle central dans la rencontre entre savoirs scientifiques et pratiques professionnelles, elle n’est pas la seule à entretenir un dialogue fécond avec les terrains. La criminologie dans son ensemble, à travers sa richesse théorique et méthodologique, offre des clés de lecture essentielles pour
saisir des logiques d’action, des contextes institutionnels ou encore des expériences vécues. En mobilisant des approches critiques, cliniques ou forensiques, réflexives ou expérientielles, qualitatives ou quantitatives, elle apporte plus largement des connaissances fondamentales sur le crime, le criminel, les normes et la société dans
son ensemble, sur lesquelles les systèmes carcéraux, les services de police ou encore les institutions judiciaires pourront s’appuyer. À travers la mise à distance critique qu’elle propose, elle met en lumière des stratégies d’adaptation et des formes de résistance, révèle des dynamiques de pouvoir et des moyens de contrôle social
qui peuvent enrichir les pratiques et la formation professionnelles, mais également les représentations sociales. Cet axe explore la manière dont ces connaissances, parfois en marge des approches centrées sur l’intervention, participent à nourrir la réflexion sur les contextes professionnels et les populations prises en charge :

  • Comment ces perspectives permettent-elles de penser autrement les rapports entre institutions et individus ?
  • En quoi peuvent-elles favoriser l’émergence de pratiques innovantes, attentives aux enjeux éthiques, sociaux et politiques qui traversent les terrains ?
  • Quelle place peuvent-elles prendre dans la formation, l’implantation de pratiques et leur évaluation ?
  • Comment la diffusion sociale des savoirs criminologiques, à travers la recherche, la formation, mais également par la voie de la presse, façonne des représentations ? Comment peut-elle également contribuer à développer, dans la société, une culture plus éclairée de la délinquance et du fonctionnement de la justice pour favoriser une meilleure compréhension des enjeux des politiques pénales et des pratiques professionnelles et, ainsi, peser sur le débat démocratique ?