Conférences plénières

XIIIe colloque de l’AICLF – Descriptif détaillé des conférences plénières:

  • Louise Arseneault, King’s College London, Royaume-Uni

Les impacts psychologique et physiologique de la victimisation durant l’enfance : Résultats, perspective et défis

La maltraitance et le taxage sont deux catégories de victimisation qui sont répandues durant l’enfance dans l’environnement familial ou l’environnement scolaire. Il va sans dire que ces formes d’abus sont intolérables et doivent être contenues pour limiter la souffrance chez de nombreux enfants. Plusieurs études rapportent une association entre la victimisation et les troubles de santé mentale durant l’enfance, mais seulement quelques unes surmontent les limites méthodologiques et sont capables de démontrer un lien causal entre les deux. Les résultats de ces récentes recherches suggèrent l’existence d’un lien causal et apportent  des arguments scientifiques à une intervention précoce et robuste afin de stopper ces formes d’abus. Certaines études se sont aussi penchées sur les effets physiologiques de la maltraitance et du taxage et proposent des approches mécanistiques par lesquelles la victimisation entraîne des symptômes psychiatriques à un jeune âge. Ces recherches repoussent les barrières de la science et offrent des avenues prometteuses pour les programmes d’interventions, ainsi qu’un souffle d’espoir aux jeunes victimes.

Biographie :
Louise Arseneault est professeure au Social, Genetic and Developmental Psychiatry Centre à l’Institute of Psychiatry à Londres. Elle a complété son doctorat en Sciences Biomédicales à l’Université de Montréal. Ses travaux portent sur la victimisation durant l’enfance et son impact sur les troubles de santé mentale en intégrant les approches développementale, génétique et épidémiologique. Elle a travaillé avec des cohortes longitudinales au Canada, en Nouvelle Zélande et en Grande Bretagne.

 

  • Nicolas Carrier, Carleton University, Ottawa, Canada

Virage punitif et critique criminologique

Depuis maintenant un peu plus d’une dizaine d’années, se solidifie le consensus criminologique selon lequel les démocraties occidentales sont profondément marquées par un « virage punitif », qualitativement distinct des processus d’extension du filet pénal dénoncés par la critique criminologique dans le dernier quart du siècle dernier. Si l’on a pu affirmer, il y a à peine cinq ou six ans, que le Canada échappait au virage punitif en évoquant la panoplie de programmes correctionnels dans les pénitenciers (P. O’Malley) ou la relative stabilité des taux d’incarcération (A. Doob), l’avènement d’un gouvernement conservateur majoritaire semble avoir mis fin à l’inculpation du catastrophisme de la critique criminologique : il s’agirait désormais de faire entendre raison à une machine autoritaire et populiste. Se multiplient ainsi les appels à une criminologie que l’on veut ‘publique’, et dont on estime que la diffusion des savoirs parviendra à limiter la tentation de recourir à des stratégies inefficaces et coûteuses. La faiblesse et la contre-productivité de la critique criminologique du virage punitif tiennent notamment au fait qu’elle rêve d’un pouvoir juridico-politique organisé par les sciences sociales, plutôt que d’en problématiser la légitimité.

Biographie :

Nicolas Carrier est professeur agrégé à Carleton University (Ottawa), où il enseigne la criminologie et la sociologie. Il est rédacteur en chef de la revue Champ pénal, éditeur adjoint de la maison d’édition Red Quill Books, responsable des recensions pour Alternate Routes : A Journal of Critical Social Research, et membre du conseil d’administration de l’Association canadienne droit et société. Il est l’auteur de La politique de la stupéfaction – pérennité de la prohibition des drogues (PUR, 2008). Ses travaux les plus récents ont notamment été publiés dans Critical Criminology, Criminology & Criminal Justice et Journal of Contemporary Criminal Justice.

 

  • Jacques Faget, Institut d’études politiques de Bordeaux, France

La médiation pénale: une innovation en trompe l’œil?

Les enjeux politiques et institutionnels de la médiation pénale sont ambivalents. Elle constitue à la fois une contre-culture, fer de lance du paradigme de la justice réparatrice (ou restorative justice), et une simple technique gestionnaire des flux judiciaires. Sa mise en œuvre navigue aléatoirement entre ces deux pôles et procède à des accommodements plus ou moins raisonnables dont la nature fluctue en fonction des cultures juridiques et des contextes politiques mais aussi du stade de la procédure où elle intervient, du modèle de médiation dominant et enfin de l’âge des auteurs d’infractions.

Biographie :
Jacques Faget est Directeur de recherche au CNRS (Centre Émile Durkheim de Sciences Po Bordeaux). Il dirige la collection Trajets aux Éditions Érès. Chargé d’enseignement aux universités de Bordeaux IV, Poitiers, Bruxelles, au CNAM et à l’École nationale de la magistrature, ses intérêts de recherche portent sur les politiques pénales et judiciaires, la médiation, les politiques d’accès au droit et les politiques de sécurité.

 

  •  Lila Kazemian, John Jay College of Criminal Justice, New-York, USA

État des lieux de la recherche empirique sur le désistement

Le désistement, ou le processus par lequel les individus cessent de commettre des actes criminels, est un thème qui a acquis une popularité croissante au cours des dernières années. Parmi cette panoplie d’études avec des résultats parfois contradictoires, il est devenu difficile de tirer des conclusions définitives quant aux prédicteurs de cette dimension de la carrière criminelle. Cette intervention vise à brièvement résumer l’état des connaissances sur le désistement, souligner les développements théoriques et méthodologiques importants qui ont eu lieu au niveau de la recherche sur le désistement, expliquer les divergences observées à travers les différentes études, présenter quelques résultats de recherche récents, et discuter des lacunes qui restent à être comblées dans ce champ de recherche.

Biographie :
Lila Kazemian a effectué ses études de baccalauréat et de maîtrise à l’école de criminologie de l’Université de Montréal, sous la direction de Marc Le Blanc. Elle a complété ses études doctorales à l’Institut de criminologie de l’Université de Cambridge. Elle a rejoint le Département de sociologie au John Jay College of Criminal Justice (City University of New York) en 2006 en tant que professeure adjointe. Elle est actuellement professeure agrégée, depuis 2011. Ses intérêts de recherche se centrent sur les carrières criminelles, le désistement, la réinsertion sociale des individus incarcérés et la criminologie comparée.

 

  • Carlo Morselli, Université de Montréal, Canada

L’essor de la perspective des réseaux criminels

Les chercheurs dans les domaines du crime organisé, du terrorisme, des gangs de rue et de la co-délinquance adoptent de plus en plus la perspective des réseaux sociaux. Cette approche offre une perspective différente des cadres traditionnels utilisés en  criminologie qui reposent sur des unités indépendantes d’analyse. Alors que certains chercheurs ont appliqué le concept des réseaux et les techniques d’analyse afférentes dès les années 1950, ce cadre est relativement nouveau en criminologie. Depuis 2001, toutefois, cette approche est de plus en plus appliquée dans différents domaines allant des études sur le contrôle social à celles portant sur la criminalité en général et, plus spécifiquement, sur l’analyse des réseaux ou des organisations criminelles. Plusieurs ont relié l’intérêt croissant pour l’analyse de réseaux à la restructuration de la criminalité dans un monde globalisé et axé sur la technologie, mais savoir si les réseaux criminels sont un phénomène ancien ou nouveau reste une question controversée. Cette présentation traite de ces questions en mettant en évidence les principales conclusions qui se dégagent de cas tirés d’enquête policière et des développements les plus récents de recherches portant sur la cybercriminalité et le trafic de drogue international. Ces études ont contribué à identifier les caractéristiques moins visibles de l’organisation du crime. De telles contributions peuvent également être utiles à des domaines qui adoptent des perspectives plus générales en criminologie.

Biographie :
Carlo Morselli est professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal et Directeur adjoint du Centre international de criminologie comparée. Ses principaux intérêts de recherche portent sur le crime organisé et les réseaux criminels, sur lesquels il a publié deux ouvrages de référence : Inside criminal networks (2009, New York : Springer) et Contacts, opportunities, and criminal enterprise (2005, Toronto : University of Toronto Press). Il est également l’auteur de nombreux articles parus dans des revues prestigieuses telles que Criminology, Journal of Research in Crime and Delinquency, Critical Criminology, Crime, Law, and Social Change, ou encore Criminologie. Il est également rédacteur en chef de la revue à comité de lecture Global Crime.

 

  • Christian Mouhanna, CESDIP-CNRS, Versailles, France

Sociologie des politiques pénales et criminologie « à la française » : confrontation de deux approches antagonistes des questions de sécurité

Alors que se développe en France une certaine forme de criminologie assez ambitieuse mais assez réductrice, qui met l’accent sur une vision très déterministe du crime et du criminel, il semble fécond de regarder la « production » de l’appareil répressif -police, justice pénale, prisons- afin de voir comment la structuration de ces appareils influence ou non les « carrières » délinquantes. En effet, à travers différents travaux qui ont pu être menés tant sur les relations police-justice que sur les juges des enfants ou les interactions monde judiciaire-administration pénitentiaire, on peut montrer que les parcours de toute une frange des délinquants, relevant de la petite et moyenne criminalité, vont dépendre tout autant de la manière dont fonctionnent les diverses institutions que d’autres critères. En particulier, on verra que la notion de politique pénale, qui vise une réponse adaptée de l’appareil judiciaire aux problèmes locaux, est floue et contingente. Elle dépend largement de conditions matérielles et des relations qui se construisent entre les organisations de sécurité et de justice. Dans ce cadre, les approches criminologiques à la française revêtent une dimension particulière : il s’agit davantage d’outil servant à accélérer le rythme de traitement des affaires que d’une approche scientifique fondée.

Biographie :
Christian Mouhanna, PhD, est chargé de recherches, chercheur permanent au CNRS -Centre National de la Recherche Scientifique. Il mène depuis une vingtaine d’années des travaux de terrain sur les relations police-population, les relations police-justice, le fonctionnement de la justice pénale et les services pénitentiaires. Il est notamment l’auteur de Police, des chiffres et des doutes, avec Jean Hugues Matelly (éditions Michalon, 2007), sur les statistiques policières, Une justice dans l’urgence (PUF, 2007), Eduquer ou punir, l’avenir du juge des enfants (Editions Eres, 2010) avec Benoit Bastard  et La police contre les citoyens ? (Champs social éditions, 2011). C. Mouhanna est actuellement directeur adjoint du CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales)- CNRS, Université de Versailles St Quentin, Ministère de la Justice et des Libertés.